Emmanuel Carrère, frère de la journaliste et médecin Marina Carrère d’Encausse, publie un ouvrage centré sur sa famille et sur la figure maternelle d’Hélène Carrère d’Encausse. Paru le 28 août 2025, le roman Kolkhoze a rapidement trouvé son public : il se situe actuellement comme le deuxième livre le plus vendu en France, avec près de 150 000 exemplaires écoulés. L’écrivain se retrouve aussi parmi les favoris possibles pour le prix Goncourt, une place qu’il relativise lui-même.
Un titre hérité d’une coutume familiale
Le titre Kolkhoze renvoie à une image intime et ancienne dans la famille Carrère d’Encausse. Dans son livre, Emmanuel Carrère explique que, durant l’enfance, les enfants apportaient leurs matelas dans la chambre de leur mère pour y dormir ensemble. Hélène Carrère d’Encausse appelait cette habitude « faire Kolkhoze ». Ce terme sert de fil conducteur au récit et justifie le choix du titre, selon l’auteur (Le Pèlerin).
Dans les premières pages, l’écrivain propose un feuilleton de souvenirs et d’images familiales. Il prévient cependant qu’il ne s’agit pas d’un simple monument de piété filiale : « Si je suis ma pente, je suis mal parti pour faire de ce nouveau récit le monument de piété filiale que j’aimerais qu’il soit. Je m’y engage quand même, en espérant qu’il me surprendra, qu’en forant dans la croûte de rancune et de malentendus stratifiés depuis plus de cinquante ans, j’accéderai à ce qui doit être la source de ce livre : l’amour sans limite qui nous a unis dans mon enfance », confie-t-il au Pèlerin.
Un portrait intime et nuancé de sa mère
Le cœur de Kolkhoze est consacré à Hélène Carrère d’Encausse, décédée le 5 août 2023. Emmanuel Carrère dresse un portrait à la fois chaleureux et lucide. Il rappelle que, enfant, il a connu « une mère délicieuse pour ses enfants petits », mais il admet aussi la difficulté des années suivantes : « Ensuite, c’était devenu, en partie à son corps défendant, mais c’était devenu une mère coriace quoi. C’était compliqué de l’avoir comme mère », confie-t-il dans un entretien relayé par BFMTV.
Le livre explore les tensions, les rancunes et les malentendus accumulés sur plusieurs décennies. Il raconte aussi des origines familiales qui s’enracinent en Russie et en Géorgie, et multiplie les personnages, anecdotes et dates. Emmanuel Carrère décrit les cent premières pages comme un album photo familial foisonnant : « Les cent premières pages, c’est comme si vous feuilletez les albums photos de, de sa famille. Il y a énormément de personnages, d’anecdotes, de dates, de souvenirs » (BFMTV).
Un auteur habitué des listes prestigieuses
Sur la question du Goncourt, l’écrivain reste mesuré. Interrogé par BFMTV sur la perspective de remporter le prix, il répond : « Bah, moi, je ne vis rien. Vous savez, c’est la quatrième fois que je suis sur les listes du Goncourt, donc voilà ». Il souligne la singularité de cette nomination : c’est la première fois qu’il figure parmi les prétendants pour un livre aussi intime.
La réception commerciale du livre, avec près de 150 000 exemplaires vendus, souligne l’importance de l’attente autour de ce nouvel opus. Kolkhoze occupe une place centrale dans l’actualité littéraire française et alimente les discussions sur la manière dont les écrivains racontent leur propre famille.
Sans chercher à dramatiser, l’ouvrage offre une lecture contrastée : un mélange d’affection et de lucidité, de souvenirs tendres et de scènes plus âpres. Emmanuel Carrère y tente une mise en lumière des origines, des conflits et des liens invisibles qui ont structuré son enfance.
En filigrane, Kolkhoze interroge aussi la façon dont la mémoire familiale se transmet et se transforme. L’écrivain, plusieurs fois cité sur des listes littéraires prestigieuses, signe ici un livre à la fois personnel et foisonnant, qui continue de polariser l’attention du public et des critiques.


