Coluche aurait eu 81 ans le 30 octobre 2025. Icône de l’humour français, il reste dans la mémoire collective pour sa gouaille irrévérencieuse, ses sketches visant les puissants, ses films et son engagement social. Sa mort, le 19 juin 1986, à 41 ans, dans un accident de moto à Opio (Alpes-Maritimes), a nourri la nostalgie et les rumeurs. Mais bien avant ce drame, une autre disparition avait marqué son entourage et le pays : l’assassinat de René Gorlin, son régisseur-lumières, en novembre 1980.
Découverte macabre et premiers éléments de l’enquête
Le 25 novembre 1980, un grutier découvre le corps de René Gorlin, 39 ans, sur un chantier de Gournay-sur-Marne (Seine-Saint-Denis). La victime gît torse nu, sans papiers ni portefeuille, dans la boue. La brigade criminelle relève deux tirs à la nuque, effectués à petit calibre, et aucun signe de lutte apparent. L’identification est rapide : il s’agit du régisseur de Coluche, qui travaille avec l’humoriste depuis plusieurs années.
Coluche, alors fraîchement entré sur la scène politique après l’annonce surprise de sa candidature à la présidentielle de 1981, est entendu par les enquêteurs le 27 novembre, accompagné de son producteur Paul Lederman. Devant les journalistes, le comique, foulard bleu et blanc au cou, déclare : « On sait rien, on connaît rien là-dessus, c’est ça la vérité. » Il évoque d’abord l’hypothèse d’une agression crapuleuse : « Victime de mecs qui l’ont attaqué pour lui piquer son blé. »
De la polémique aux menaces contre Coluche
L’affaire prend rapidement une tournure médiatique et politique. Coluche est au centre des débats : sa candidature, atypique et gênante pour certains, alimente les spéculations. Selon Jean-Alphonse Richard, alors patron du service police-justice de RTL, cité sur le plateau de C à Vous en mai 2025, « À partir de là, la machine s’est mise en place, alimentée par les renseignements généraux qui avaient intérêt à discréditer un candidat gênant. »
La presse évoque les fréquentations supposées de l’humoriste, certains titres allant jusqu’à lui prêter des liens avec le milieu. Coluche reçoit des menaces directes : de petits cercueils, des balles accompagnées d’un message — « la prochaine, elle est pour toi ». Placé sous protection policière, il finit par retirer sa candidature en mars 1981, déclarant plus tard que la pression et l’environnement étaient devenus insoutenables.
Malgré l’emballement médiatique autour d’un possible mobile politique, l’enquête explore d’abord d’autres pistes. On note que la police s’intéresse au passé judiciaire de René Gorlin — un cambriolage à 19 ans — puis, surtout, à sa vie privée et à ses deux domiciles.
Une vengeance conjugale : révélations et procès
Les investigations révèlent que René Gorlin menait une double vie. Il avait une maîtresse, Jeanne Desaubry, alors enceinte de lui, tandis que sa compagne officielle s’appelait Danielle Blondel. Fin 1980, Danielle Blondel et sa sœur Evelyne sont placées en garde à vue. Après des dénégations, Danielle finit par avouer l’assassinat, expliquant qu’il s’agissait d’une vengeance liée aux infidélités, aux humiliations et à un comportement qu’elle qualifie de brutal. Evelyne Blondel est accusée d’avoir aidé à dissimuler le corps.
Le dossier aboutit à un procès aux assises de l’Aisne le 17 décembre 1984. Danielle Blondel est jugée pour assassinat, Evelyne pour complicité. Le tribunal reconnaît les deux femmes coupables : Danielle écope de 10 ans de prison, Evelyne de 6 mois avec sursis.
Invitée à son tour, en octobre 2023, dans l’émission L’Heure du Crime, Jeanne Desaubry contredit la version de Danielle. Elle affirme sur RTL : « Lors du procès, Danielle a essayé de me faire accuser, c’était un acte de haine, elle ne connaissait pas ma grossesse. » Jeanne dira plus tard que le verdict fut pour elle « une immense libération » et qu’elle pouvait désormais « regarder devant ».
Pour Coluche, pourtant innocent des accusations publiques qui l’avaient visé, cette affaire laissa des traces durables. Le climat de suspicion, les menaces et la médiatisation de l’enquête nourrirent une paranoïa qui l’accompagna jusqu’à sa disparition en 1986.
Plusieurs éléments de cette affaire — découverte macabre, hypothèses politiques alimentées par certains services, révélation d’une double vie et condamnations lors du procès — ont à la fois choqué et captivé l’opinion publique. Quarante-cinq ans après les faits, le souvenir de René Gorlin reste lié à un épisode sombre de la vie de Coluche, marqué par la tension entre la notoriété, la politique et des drames privés devenus affaire publique.
