Télématin traverse une période agitée. L’émission matinale de France 2, longtemps synonyme de rituel serein pour les lève-tôt, voit aujourd’hui ses certitudes ébranlées par l’arrivée tonitruante de Bonjour ! sur TF1. Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des antennes et des programmes de France Télévisions, ne cache pas son inquiétude : « Bonjour ! a du vent dans les voiles quand Télématin a le vent de face. »
Des chiffres qui sonnent l’alerte
Selon Médiamétrie, la situation se traduit en audience. Depuis la rentrée, Télématin rassemble en moyenne 574 000 téléspectateurs du lundi au jeudi, soit 20,3 % de part d’audience. Ces chiffres maintiennent l’émission en tête sur sa tranche horaire. Mais la dynamique est moins favorable qu’elle n’y paraît : Bonjour ! attire 390 000 fidèles sur la même période, avec 13,1 % de part d’audience, et surtout une progression régulière qui inquiète la maison France Télévisions.
Le constat est clair pour Sitbon-Gomez : la nouvelle matinale de TF1, animée par Bruce Toussaint, bénéficie d’une production nerveuse et de la puissance de la chaîne. Conséquence : l’écart se resserre et la position historique de Télématin devient plus fragile.
Identité vacillante : la valse des présentateurs pointée du doigt
Face à cette concurrence, la direction de France Télévisions interroge les causes du recul. L’un des diagnostics avancés est le manque d’incarnation, conséquence d’une succession de changements à la présentation. « Cela a été une erreur, très clairement », admet Sitbon-Gomez. Depuis le départ de William Leymergie en 2017, la matinale a enchaîné les visages : Laurent Bignolas, Thomas Sotto, Julia Vignali, Marie Portolano, Flavie Flament, puis Maya Lauqué et Damien Thévenot.
Pour une émission qui mise sur la routine et la proximité matinale, ces mouvements répétés ont pu fragiliser la fidélité du public. La situation a été exacerbée par le départ brutal de Thomas Sotto pour RTL en juillet 2024, un départ qui, selon Sitbon-Gomez, « a laissé un vide difficile à combler ». « Il m’a annoncé son départ le matin de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris. On a été déstabilisés. C’était un coup dur », confie-t-il, évoquant un épisode encore ressenti comme un traumatisme interne.
Cette succession de changements intervient en même temps que l’émergence d’une offre concurrente capable d’attirer une partie du public traditionnel de Télématin. Pour la direction, il s’agit donc d’un double défi : retrouver une identité stable et répondre à une concurrence renouvelée et performante.
Un pari sur la stabilité : Maya Lauqué et Damien Thévenot
La réponse de France Télévisions a été de jouer la carte de la stabilité. Le duo Maya Lauqué — ancienne présentatrice de La Quotidienne — et Damien Thévenot — figure reconnue de l’équipe du week-end — a été choisi pour incarner cette relance. Sitbon-Gomez évoque « le pari de la complicité » : deux visages familiers censés rappeler les fondamentaux de l’émission, à savoir l’accessibilité, la bienveillance et la proximité.
La formule a par ailleurs été allongée : Télématin est désormais diffusée jusqu’à 10 heures, une décision qui traduit l’ambition de proposer plus de contenu et, potentiellement, de capter davantage de téléspectateurs sur une tranche horaire plus large. Reste à mesurer si cette évolution permettra de freiner l’hémorragie vers TF1 et de reconquérir un public de plus en plus sollicité.
Quelle marge de manœuvre pour la doyenne des matinales ?
Les enjeux sont autant éditoriaux que stratégiques. Télématin conserve des atouts : une notoriété historique, une fidélité d’une partie du public et une expertise dans le traitement matinal de l’information et du divertissement léger. Mais la direction sait aussi qu’une histoire de format repose sur la confiance et la répétition. Stabiliser l’équipe de présentation et affirmer un ton identifiable semblent désormais prioritaires.
Sitbon-Gomez insiste sur une ligne de conduite prudente : pas de réaction panique, mais une surveillance attentive des courbes d’audience et des ajustements mesurés. Le pari est clair : revenir aux fondamentaux sans renoncer à la modernité, et préserver une relation quotidienne avec les téléspectateurs.
À court terme, la réussite de cette stratégie dépendra de la capacité du duo à réinstaller une routine matinale accueillante et de l’impact des choix de programmation sur l’audience. Sur le moyen terme, la concurrence de Bonjour ! et la dynamique que lui imprime TF1 constitueront un test majeur pour l’avenir de la matinale historique de France 2.
