Philippe Gildas aurait fêté ses 90 ans le 12 novembre 2025. Disparu le 28 avril 2018 à l’âge de 82 ans des suites d’un cancer du rein, il reste dans la mémoire collective comme l’un des visages les plus chaleureux de la télévision française. Avec sa tignasse blanche, son sourire et sa malice discrète, il a incarné une télévision à la fois intelligente et populaire, jamais prétentieuse, notamment aux côtés d’Antoine de Caunes dans l’émission culte Nulle part ailleurs sur Canal+.
Un parcours multifacette dans les médias
De l’ORTF aux grandes stations de radio, de RTL à Europe 1, puis à Canal+, Philippe Gildas a traversé toutes les époques de l’audiovisuel français. Journaliste, animateur et producteur, il se décrivait modestement comme « un ouvrier spécialisé de l’info ». Mais son rôle a souvent dépassé cette formule : animateur populaire, directeur d’émission, entrepreneur médiatique, il a su se réinventer et rester présent, refusant l’idée d’une retraite anticipée.
Son goût pour l’innovation s’est manifesté à plusieurs reprises. Outre son image de complice, il se disait obsédé par l’idée de ne pas « s’endormir » dans une carrière déjà bien remplie. C’est ce souci de renouvellement qui l’a poussé, au début des années 2000, à réfléchir à un projet de chaîne dédié à un public précis : les baby‑boomers.
Vista : une chaîne pour les baby‑boomers et un conflit avec Microsoft
Philippe Gildas a porté l’idée d’une chaîne destinée aux seniors « ceux qui ont du temps libre », voulant leur proposer une télévision d’art de vivre axée sur le bien‑être, la culture et le plaisir. Selon ses déclarations, le projet remontait à 2003 : il avait alors déposé la marque « Vista » à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) « dans tous les domaines de la propriété intellectuelle : presse, télé, web, etc. », confiait‑il à 20 Minutes.
La coïncidence avec le lancement, en janvier 2007, du système d’exploitation Windows Vista par Microsoft est à l’origine d’un bras de fer médiatique. Gildas a alors annoncé : « Nous assignons Microsoft en justice pour violation de la propriété intellectuelle et préjudice ». Il précisait par ailleurs à l’AFP que « l’assignation est lancée à la fois en France et aux États‑Unis ». Sa revendication reposait sur l’antériorité : dépôt en mars 2003 contre enregistrement par Microsoft en juillet 2005.
Les enjeux semblaient considérables sur le plan symbolique et financier. Microsoft avait, selon les éléments de l’époque, investi environ 6 milliards de dollars dans le développement de Vista et plus d’un demi‑milliard de dollars en promotion. Face à un géant de la high‑tech, l’affaire avait des allures de David contre Goliath.
Finalement, la bataille juridique n’a pas tourné en faveur de l’initiative de Gildas. Les tribunaux ont retenu que les classes de propriété intellectuelle enregistrées différaient : celles choisies par Philippe Gildas concernaient presse, télévision et internet, tandis que Microsoft avait protégé la marque pour des logiciels et activités informatiques. Plutôt que de prolonger un contentieux sans garantie de gain, le journaliste a opté pour la prudence et le réajustement.
Vivolta : rebaptiser pour mieux lancer
À l’automne 2007, Philippe Gildas a donc rebaptisé son projet Vivolta. La nouvelle chaîne a commencé ses diffusions le 10 décembre 2007 sur CanalSat et sur les principaux réseaux câblés. Fidèle à sa manière, il restait modeste : « Ce n’est pas un projet sorti du chapeau », rappelait‑il, soulignant que l’idée était travaillée depuis plusieurs années.
Vivolta souhaitait s’adresser à un public mûr sans nostalgie, en privilégiant des thèmes liés à la qualité de vie, la culture et les loisirs. Le positionnement témoigne d’une volonté claire : offrir une offre télévisuelle qui corresponde aux attentes d’une génération active, curieuse et en quête de nouveaux repères.
Philippe Gildas laisse le souvenir d’un professionnel passionné, attentif à son public et à l’évolution des médias. Son parcours, ponctué d’inventions et de ruptures, illustre une carrière où la curiosité et la ténacité ont souvent fait la différence. Les épisodes comme celui de Vista montrent aussi combien la protection des marques et la collision entre mondes — médias traditionnels et géants technologiques — peuvent bouleverser des projets entrepreneuriaux.
