Il aurait eu 103 ans le 19 décembre 2025. Douze ans après sa disparition, Jacques Capelovici — mieux connu du grand public sous les noms de Maître Capelo ou Maître Capello — continue d’habiter la mémoire collective. Grammairien passionné et visage familier de la télévision française, il retrouve une visibilité nouvelle depuis la rediffusion de son émission culte, Les Jeux de 20 heures, mise en ligne sur la plateforme INA 70 à partir de novembre 2023.
Une carrière au fil des mots
Né le 19 décembre 1922 à Paris, Jacques Capelovici se destinait à l’enseignement. Ancien professeur de langues et diplômé dans plusieurs idiomes, il a très tôt développé une fascination pour l’origine des mots et pour les variations de la langue. Cette passion, d’abord théorique, a trouvé à la télévision un terrain d’expression inattendu et populaire.
Avant de devenir la figure que l’on connaît, il a participé en 1964 à l’émission Le mot le plus long, une antenne qui préfigure plus tard Des chiffres et des lettres. C’est d’ailleurs dans ce type de programmes qu’il s’est affirmé : il y officiera comme arbitre respecté pendant des années, exerçant son rôle avec rigueur et malice.
Parallèlement à sa présence à l’écran, Maître Capello était aussi un artisan discret du quotidien culturel. Il signait des mots fléchés publiés chaque semaine dans Télé 7 jours jusqu’en 2010, puzzles qui ont accompagné le loisir de millions de lecteurs et témoigné de sa proximité avec un public intergénérationnel.
Les Jeux de 20 heures, un phénomène populaire
Lancée le 22 mars 1976 sur FR3, l’émission Les Jeux de 20 heures s’est rapidement imposée comme une proposition originale. À une époque où TF1 et Antenne 2 dominaient les journaux télévisés, FR3 proposait une alternative tournée vers les régions, mêlant plateaux de célébrités et duplex avec des candidats anonymes venus de toutes les provinces.
Créée par Jacques Solness, l’émission reposait sur une mécanique conviviale et simple : autour de l’animateur — la succession a vu défiler Jacques Solness, Maurice Favières, Jean-Pierre Foucault, Marc Menant puis Harold Kay —, des invités s’affrontaient lors d’épreuves ludiques. Maître Capello, quant à lui, veillait au respect de la langue et au bon mot, dictionnaire toujours à portée de main. La liaison avec la province était assurée par Jean-Pierre Descombes, micro en main, ce qui renforçait l’ancrage régional revendiqué par la chaîne.
Le succès fut immédiat : l’émission a rassemblé en moyenne près de 3 millions de téléspectateurs et a su maintenir une fidélité remarquable pendant plus d’une décennie, jusqu’au 23 janvier 1987. Au fil des émissions, une galerie de personnalités est passée par le plateau, parmi lesquelles Pierre Desproges, Micheline Dax, Roger Carel, Sim, Daniel Prévost, Gérard Hernandez, Enrico Macias, Dick Rivers ou Marion Game. Chantal Lauby, alors peu connue, a même coprésenté une édition sur la Côte d’Azur.
Plus que les invités, c’est l’esprit de l’émission qui a marqué les téléspectateurs : une télévision chaleureuse et accessible, où le savoir se mêlait à l’humour. Maître Capello y incarnait une autorité bienveillante, rappelant que la langue française pouvait être à la fois un héritage à préserver et un terrain de jeu.
Une renaissance patrimoniale
La mise en ligne des archives des Jeux de 20 heures par l’INA a ravivé une nostalgie qui, selon les témoignages des téléspectateurs, reste joyeuse. Pour ceux qui ont connu l’émission à sa diffusion initiale, redécouvrir ces épisodes, c’est retrouver le rythme et le ton d’une télévision d’un autre âge. Pour des générations plus jeunes, c’est la découverte d’une manière de faire de la télévision très différente des formats actuels.
Jacques Capelovici est décédé le 20 mars 2011 à Arcueil. Douze ans après sa mort, l’écho des émissions qu’il a contribuées à structurer montre l’importance d’un rôle qu’il a tenu avec constance. À travers Maître Capello, c’est une certaine idée de la culture — exigeante mais généreuse — qui refait surface. Les rediffusions rappellent que le goût des mots et du jeu conserve un pouvoir fédérateur et qu’une figure comme la sienne continue d’inspirer curiosité et respect.
En replaçant ces émissions dans le patrimoine télévisuel, l’INA offre plus qu’une archive : elle propose une passerelle entre générations et rappelle l’influence durable d’un homme qui a fait de la langue française l’un de ses terrains de prédilection.


