Ce 20 novembre 2025, la chaîne Novo 19 rediffuse Un air de famille de Cédric Klapisch, comédie devenue culte où se croisent Jean‑Pierre Bacri, Jean‑Pierre Darroussin, Agnès Jaoui… et Catherine Frot, inoubliable dans le rôle de Yolande. L’occasion de revoir une interprétation à la fois drôle et bouleversante, et de revenir sur la trajectoire d’une des voix les plus singulières du cinéma et du théâtre français. À 69 ans, malgré des succès publics et critiques, Catherine Frot a traversé un passage à vide sensible après son consécration aux César.
Des planches aux premiers regards du cinéma
Formée au théâtre, Catherine Frot s’impose très tôt sur les planches. En 1980, elle reçoit le Prix de la révélation théâtrale du Syndicat de la critique pour son rôle dans C’était comment déjà ? de Jean Bouchaud. Elle enchaîne alors les créations et les classiques, parmi lesquels La Cerisaie mise en scène par Peter Brook (1982) et La Mouette dirigée par Pierre Pradinas (1985).
Son parcours scénique compte aussi des collaborations marquantes, comme John Gabriel Borkman d’Ibsen sous la direction de Luc Bondy en 1993, ou Les Liaisons dangereuses mises en scène par Gérard Vergez en 1987, où elle incarne la présidente de Tourvel. Ces choix de répertoire forgent une comédienne à la fois rigoureuse et versatile.
Au cinéma, Catherine Frot se signale dès 1986 avec Escalier C, performance qui lui vaut une première nomination aux César. Mais c’est son personnage de Yolande, d’abord créé au théâtre, qui la révèle au grand public. Dans Un air de famille, elle compose une femme fragile, oubliée le soir de son anniversaire, rôle pour lequel elle obtient le Molière puis le César du meilleur second rôle en 1997.
De la seconde rôle à la tête d’affiche
À la fin des années 1990, elle franchit un palier et devient tête d’affiche. Elle travaille avec des réalisateurs reconnus comme Cédric Klapisch, Étienne Chatiliez, Pierre Jolivet, Xavier Giannoli ou Jean‑Pierre Améris. Elle partage l’écran avec des partenaires prestigieux : Daniel Auteuil, Bernard Le Coq, Wladimir Yordanoff, Jean‑Pierre Bacri, Agnès Jaoui ou Jean‑Pierre Darroussin.
Sa filmographie oscille entre comédie populaire et drame. On la retrouve dans La Dilettante ou Odette Toulemonde, mais aussi dans Marguerite, film qui lui apporte un second César, celui de la meilleure actrice, en 2016. La même année, elle remporte également le Molière de la meilleure comédienne pour Fleur de cactus. Cette double reconnaissance symbolise une forme de consécration rare.
Le contre‑coup de la consécration
Pourtant, derrière cette année triomphale se dessine un effet boomerang. Invitée à l’émission C à vous diffusée sur France 5, Catherine Frot a raconté ce moment de bascule. « Ça a été une année un peu folle pour moi j’avoue, une dose d’énergie assez énorme », explique‑t‑elle, décrivant la frénésie qui a suivi le César et le Molière.
Trop de sollicitations, trop d’expositions médiatiques, trop de vitesse : le tourbillon finit par dépasser la comédienne. Face à cet emballement, une nécessité s’impose : se retirer. « Du coup, derrière, j’ai fait un an et demi de pause », confie‑t‑elle. Lorsqu’Anne‑Élisabeth Lemoine s’étonne de ce retrait, elle répond sans détour : « Ah oui ! Je n’avais plus envie de rien j’avoue ! »
Ces aveux sont d’autant plus frappants qu’ils proviennent d’une personnalité discrète, peu portée sur l’étalage public. Elle n’évoque pas une dépression clinique, ni un pathos assumé, mais plutôt un vide, une absence d’élan. Elle dit avoir eu besoin de « se ressourcer », de « déguster ce calme plat », comme on reprend son souffle après une course effrénée.
Un retour en douceur
Après cette pause volontaire, Catherine Frot fait un retour mesuré. Elle apparaît notamment dans Qui m’aime me suive !, partageant l’affiche avec Daniel Auteuil et Bernard Le Coq, deux complices de longue date. Ce come‑back se fait sans fanfare médiatique, mais avec une solidité retrouvée.
Sur scène comme à l’écran, elle conserve cette capacité d’incarnation large : du burlesque à la tragédie, de l’émerveillement à la lassitude. Et paradoxalement, c’est peut‑être dans l’aveu de son manque d’entrain qu’elle trouve une force nouvelle d’interprétation. Après la statuette, elle confiait : « C’était extraordinaire ». Mais la leçon tirée de l’expérience est claire : pour durer, il faut parfois accepter de s’arrêter et laisser à la lumière sa part d’ombre.
Aujourd’hui, revoir Un air de famille rappelle la finesse de son jeu et la justesse d’un casting qui a marqué une génération. À 69 ans, Catherine Frot demeure une figure majeure, capable de surprendre et d’émouvoir, même après des années de carrière et des moments de retrait.


