Le 19 décembre 2025, France 2 diffuse Le temps des femmes, un documentaire choral porté par Agnès Jaoui. L’actrice, scénariste et réalisatrice y accompagne quatorze femmes, anonymes ou célèbres, pour raconter soixante années d’intimité féminine : combats silencieux, préjugés persistants, mais aussi espoirs et fierté. Dans ce projet profondément personnel, la question de la maternité occupe une place centrale, tant elle a façonné le parcours de Jaoui, entre désir tardif, renoncements et adoption.
Un désir de maternité qui survient tard
Agnès Jaoui n’a jamais caché que la maternité ne lui était pas apparue comme une évidence jeune. Adolescente puis jeune adulte, l’idée de devenir mère ne s’impose pas. Elle l’a raconté sans détour : à 15, 20 ou même 25 ans, la maternité ne faisait pas partie de ses priorités. Le désir survient plus tard, au début de la trentaine, « presque par surprise », une envie qu’elle décrit comme puissante, difficile à expliquer mais impossible à ignorer.
À cette période, elle partage la vie de Jean‑Pierre Bacri, avec qui elle forme un couple à la fois discret et mythique. Leur relation, créative et durable — près de vingt‑cinq ans — se traduit aussi par une œuvre commune majeure du cinéma français, faite de dialogues ciselés et d’un humour doux‑amer. Malgré ce lien solide, l’enfant ne vient pas : « la nature, comme elle le dira elle‑même avec un certain stoïcisme, ‘n’a pas voulu’ ». Jaoui aborde ce constat avec lucidité plutôt qu’avec drame public.
Le renoncement puis la persévérance
Ne pas pouvoir concevoir devient une épreuve intime que l’artiste n’a pas banalisée. Elle reconnaît que renoncer à l’enfant biologique a demandé plusieurs deuils, mais elle refuse le registre victimaire. Sa posture est plutôt philosophique : un mélange d’acceptation et de persistance. Peu à peu, l’idée de l’adoption s’impose comme une autre voie possible vers la maternité.
Jaoui évoque la procédure d’adoption comme longue et éprouvante. « Ça a duré des années », confie‑t‑elle, rappelant combien les démarches peuvent être lentes, administrativement lourdes et émotionnellement exigeantes. Ce constat est au cœur de son récit : la maternité peut être une conquête, pas seulement un événement naturel. L’attente, les renoncements et les ajustements font aussi partie de ce chemin.
L’adoption au Brésil et la naissance d’une famille
Après un long processus, Agnès Jaoui adopte finalement deux enfants au Brésil en 2008 : Loran, âgé de sept ans, et Lorranie, cinq ans. Elle a alors 48 ans. Le choix du Brésil et la chronologie de l’adoption font partie de son histoire familiale, sans pour autant effacer les difficultés rencontrées en amont.
L’arrivée des enfants n’est pas présentée comme une fin immédiate des épreuves. Jaoui décrit l’adoption comme un parcours jalonné d’attentes et d’ajustements. Elle explique avoir dû abandonner l’idée d’adopter des enfants plus jeunes tant les délais s’allongeaient. Huit années d’attente auront été nécessaires avant de pouvoir accueillir ses enfants, souligne‑t‑elle, soulignant la lenteur des procédures.
Sur le plan familial, Agnès Jaoui se dit « pas très conventionnelle » comme mère. Elle ne revendique pas un rôle de modèle parental parfait ; elle parle plutôt d’imperfection assumée et d’un amour inconditionnel. Issue d’une famille aux valeurs libertaires marquées par l’esprit soixante‑huitard, elle affirme toutefois avoir voulu donner à ses propres enfants un cadre plus affirmé que celui qu’elle a connu.
Son objectif parental paraît clair : transmettre des valeurs, aider ses enfants à bâtir une estime de soi solide et leur donner la certitude de son amour. Elle évoque avec pudeur les difficultés scolaires rencontrées par Loran et Lorranie, notamment des troubles cognitifs apparus à l’apprentissage de la lecture. Plutôt que de peindre une famille idéalisée, Jaoui livre un récit honnête des défis du quotidien.
Le parcours personnel de la réalisatrice rejoint les thèmes explorés dans Le temps des femmes : le temps qui passe, les injonctions sociales, les choix de vie jugés selon des normes souvent rigides. En donnant la parole à d’autres femmes qui ont dû composer avec des injonctions contradictoires — réussir, aimer, enfanter, rester libres — Jaoui inscrit sa propre histoire dans un propos collectif.
Aujourd’hui, l’actrice regarde son chemin sans amertume. Devenue mère tardivement, après des années d’incertitude, elle incarne une réalité de la maternité loin des clichés : une maternité choisie, construite et conquise. Ce récit intime, long et parfois douloureux, a fini par trouver son accomplissement au sein d’une famille recomposée et assumée par elle‑même.


