Ce 21 novembre 2025, Daniel Guichard fête ses 77 ans. Une date qui rappelle l’ancrage durable d’un des interprètes les plus singuliers de la chanson française, apprécié du public depuis plus d’un demi-siècle. On y retient sa voix grave et pure, sa façon d’incarner chaque mot et ce franc-parler qui ne le quitte pas. Depuis La Tendresse, Mon vieux, Chanson pour Anna ou Faut pas pleurer comme ça, il a construit un répertoire capable de rassembler plusieurs générations. Il est toujours sur les routes, multiplie les dates, voyage en camping-car, retrouve régulièrement l’Olympia et donne des interviews où il ne ménage personne.
La Tendresse : une chanson refusée puis devenue classique
L’histoire de La Tendresse prête à sourire et illustre le rôle du hasard dans une carrière. En 1972, la musique de La Tendresse, signée Patricia Carli, avait d’abord été proposée à Mireille Mathieu. Son impresario, Johnny Stark, la refuse. Daniel Guichard, alors jeune chanteur encore peu connu du grand public, récupère le morceau. Il retravaille le texte de Jacques Ferrière pour le rendre plus personnel.
Le résultat dépasse les attentes : La Tendresse devient un succès immédiat et impose Guichard dans le rôle du chanteur « viril-mais-charmeur », capable d’émouvoir sans artifice. Cette même année, il monte pour la première fois sur la scène de l’Olympia, étape cruciale qui marque son entrée parmi les grandes voix françaises. La chanson, rejetée par ailleurs, devient son premier standard et l’un des classiques absolus des années 1970.
Des succès populaires et des choix assumés
Après ce coup d’éclat, Daniel Guichard enchaîne les titres populaires. Parmi eux figurent Faut pas pleurer comme ça (musique de Christophe), Chanson pour Anna, dédiée à Anne Frank, puis Mon vieux en 1974. Sur ce dernier titre, il retouche le texte original de Michelle Senlis pour en faire un hommage autobiographique à son père. Ce choix lui vaudra « quelques ennuis », mais contribuera à l’ancrer durablement dans le cœur du public.
Toujours en 1974, il revendique son identité parisienne en enregistrant un disque consacré à Édith Piaf. Il remplit l’Olympia en 1975 puis en 1976. Les années 1970 voient défiler d’autres titres populaires : Je t’aime, tu vois, C’est pas facile d’aimer, Pour ne plus penser à toi, Le Cœur à l’envers. Par ailleurs, animé par un désir d’indépendance, il fonde son propre label, Kuklos, distribué par Barclay.
Un acteur de la vie musicale au-delà du micro
Dans les années 1980, Guichard élargit son engagement au secteur de la distribution musicale. Il diffuse aussi bien La Souris Déglinguée, groupe punk-rock, qu’Alain Barrière ou Salvatore Adamo. Il participe à l’épopée des radios libres en créant Radio Bocal, une radio pirate « 100 % chansons françaises » diffusée depuis son jardin. Ce projet lui vaut, dit-il, « beaucoup de critiques pour son côté trop franchouillard », mais témoigne surtout d’un attachement viscéral à la chanson française.
En 1983, il retrouve le succès avec Le Gitan, inspiré par sa rencontre avec le boxeur Pierre-Franck Winterstein, ainsi qu’avec Doucement et Le Nez au mur. Il enregistre également des reprises de Maurice Chevalier et de Charles Trenet, signe de son goût pour le patrimoine musical. L’homme organise des tournées au profit de la recherche contre le cancer, avec la participation d’artistes comme Salvatore Adamo ou Richard Cocciante.
Toujours sur la route : albums et fidélités
Les prétendues « traversées du désert » qu’on lui attribue sont en grande partie des légendes. Lui-même corrige : il n’a jamais arrêté de tourner. Lorsqu’il disparaît des écrans, c’est souvent pour mieux créer, préparer un album ou repartir sur les routes. En 2012, après vingt ans sans disque, il revient avec Notre histoire, puis refait des passages à l’Olympia en 2012 et en 2018.
Daniel Guichard est aussi connu pour son amitié fidèle. À Renaud, en difficulté, il téléphonait sans cesse pour le rassurer et lui raconter son propre combat : « Je buvais quatre litres de champagne par jour », confie-t-il. Cette proximité a contribué à aider Renaud à se relever, selon les récits disponibles. Aujourd’hui encore, entre deux coups de gueule contre les artistes qui « fourguent leurs nouvelles chansons dans des pots-pourris de vieux tubes », Daniel Guichard continue de chanter. Inflexible, entier, il reste une figure essentielle de la scène populaire française.


