Ce vendredi 14 novembre, après plusieurs jours d’un procès particulièrement éprouvant, la cour d’assises de Gironde à Bordeaux a rendu son verdict : Jennifer Bertrand a été condamnée à 18 ans de réclusion criminelle. Le jugement suit les réquisitions du ministère public. La mère, âgée de 37 ans, a été reconnue coupable d’avoir tué ses petites jumelles à quelques jours de Noël 2022.
Les faits : un geste mortel invoqué comme apaisement
Le drame remonte au 19 décembre 2022. Les deux nourrissons, Emma et Ambre, âgées de trois mois, ont été asphyxiées dans leur sommeil. Selon les éléments présentés au procès, Jennifer Bertrand s’est saisie des doudous des bébés, les a posés sur leurs visages, puis aurait appuyé « avec sa main pendant une minute environ ». Au procès, elle a maintenu qu’elle cherchait à « les apaiser, les calmer » au moment du coucher, et non à les tuer.
Cette version a été contestée par l’avocat général, Martin Viver-Darviot, qui a décrit « un geste fort, déterminé qui n’a rien de naturel », ajoutant qu’il était « très loin du geste d’apaisement ». Il a également suggéré que le doudou posé sur le visage des nourrissons pouvait avoir servi à « cacher leurs visages et de ne pas affronter le regard de ses filles qui, au-delà du fait de s’agiter, ont pu convulser ». Ces appréciations ont pesé dans l’évaluation de la nature volontaire et intentionnelle du geste.
La santé mentale de l’accusée au cœur du procès
Peu après son accouchement, Jennifer Bertrand avait été prise en charge dans une unité psychiatrique spécialisée dans les dépressions post-partum. Au moment des faits, elle était suivie en hôpital de jour et sous traitement médicamenteux. Les médecins et expertises présentés lors du procès ont documenté une situation clinique fragile : une grande fatigue, une anxiété qualifiée de « massive » et une incapacité à supporter les pleurs des enfants.
L’avocat général a souligné « l’échec » du traitement prescrit et a évoqué l’épuisement de la mère, estimant qu’elle « n’était plus en capacité de trouver de l’énergie pour ses filles ». Lors de son audition à la barre, la prévenue a décrit sa période post-partum comme « une descente aux enfers ». « Je me sentais nulle, nulle, j’avais envie de mourir », a-t-elle déclaré face aux juges.
Face à ces souffrances, elle avait à l’époque envisagé des solutions comme l’adoption ou le placement des enfants, une information rapportée au procès mais qui n’a pas permis d’éviter le passage à l’acte.
Un procès éprouvant et un verdict conforme aux réquisitions
Le procès, qui s’est déroulé sur plusieurs jours, a mis en lumière un conflit entre l’analyse de la responsabilité pénale et la reconnaissance de troubles psychiques importants. Les réquisitions du ministère public, suivies par la cour, ont abouti à une peine de 18 ans de réclusion criminelle.
Les parties civiles, les proches des victimes et les experts ont témoigné de l’impact humain et émotionnel du drame. Les débats ont porté sur la question de la conscience et de l’intention au moment des faits, ainsi que sur la prise en charge médicale antérieure et les possibilités d’intervention qui auraient pu être envisagées.
Conséquences et contexte
La condamnation de Jennifer Bertrand ravive le débat sur la prévention et la prise en charge des dépressions post-partum. Le dossier met en exergue la difficulté d’articuler compréhension clinique et réponse pénale lorsque des troubles psychiatriques entourent des actes criminels. Les magistrats ont retenu la qualification criminelle et prononcé une peine conforme aux réquisitions, tout en prenant en compte les éléments médicaux présentés au dossier.
Ce verdict marque la fin d’une procédure judiciaire qui a tenté de faire la lumière sur un geste inexorablement tragique, laissant derrière lui deux nourrissons, Emma et Ambre, et une famille endeuillée.
