Ce 31 octobre 2025, Franck Gastambide fête ses 47 ans. Réalisateur, acteur, scénariste et producteur, l’autodidacte originaire de Melun s’est imposé en quelques années au cinéma et à la télévision. De Kaïra Shopping à Pattaya, de Taxi 5 à la série Validé, son parcours apparaît comme une réussite construite hors des sentiers battus, à force de travail et d’instinct. Mais derrière cette ascension se dessine aussi une revanche personnelle : le récit d’un enfant en échec scolaire qui a découvert tardivement être HPI.
Un diagnostic tardif et décisif
Sur le plateau de Quotidien, en septembre 2021, Franck Gastambide confiait : « J’ai attendu 40 ans pour comprendre que j’avais ça. » Il racontait s’être fait diagnostiquer à la suite de sa participation à Rendez-vous en terre inconnue, en 2019. Après l’émission, des spectateurs lui avaient envoyé des messages signalant que ses réactions pouvaient être « typiques des HPI ». Intrigué, il a consulté et obtenu un diagnostic.
Le réalisateur a souvent pris ses distances avec l’étiquette. « Je ne le dis jamais parce que souvent HPI, ce n’est pas bien intégré. On pense que le mec se la raconte, comme s’il était un peu supérieur. » Il ajoutait aussi, avec franchise : « Ça veut dire que je suis un peu hypersensible… et c’est plus une galère qu’autre chose quand même. »
Sur France 5, dans l’émission C à Vous, il revenait sur cette hypersensibilité : « Il y a des choses qui me touchent qui ne devraient pas me toucher autant, des choses qui me blessent qui ne devraient pas me blesser autant. Donc c’est un handicap difficile. » Ce constat laisse transparaître le soulagement mais aussi la difficulté à faire cohabiter ce fonctionnement cognitif avec une vie professionnelle publique.
HPI : définition et perception publique
Le sigle HPI, pour « haut potentiel intellectuel », s’est imposé dans le débat public ces dernières années, notamment grâce à la visibilité donnée par certaines fictions. Selon des psychologues cités couramment, il concernerait environ 2 % de la population. Le HPI n’est pas seulement un QI supérieur à 130 : il recouvre un mode de fonctionnement cognitif et émotionnel particulier.
Les personnes à haut potentiel présentent souvent une pensée en arborescence, une grande curiosité et une rapidité dans le traitement de l’information. Elles peuvent aussi souffrir d’hypersensibilité et d’un sentiment de décalage social. Le haut potentiel implique souvent un besoin marqué de sens, une créativité prononcée et un rapport intense au monde.
La neuropsychologue Catherine Zobouyan expliquait que « le haut potentiel n’est pas qu’une question de QI, c’est aussi une manière singulière d’être au monde, parfois source de souffrance. » C’est précisément dans ce portrait que Franck Gastambide s’est reconnu, après des décennies à penser qu’il « ne comprenait pas comme les autres ». Dans l’espace public, des personnalités artistiques sont régulièrement citées comme étant HPI, ce qui alimente le débat sur la diversité des profils créatifs.
Relire sa vie à travers un autre prisme
Le diagnostic a offert à Gastambide une grille de lecture nouvelle pour son histoire. En juillet 2024, après avoir été décoré Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres, il commentait sur Instagram : « Éternel dernier de la classe, j’ai longtemps pensé que j’étais tout simplement un bon à rien. Jusqu’à ce que je découvre que j’avais en fait plusieurs handicaps invisibles qui m’empêchaient d’étudier et de comprendre comme les autres. La dyslexie [et] la dyspraxie m’ont empêché d’avoir une scolarité normale et d’accéder à des diplômes. Il m’a fallu trouver un autre chemin pour réussir. »
Ce message a rencontré une forte émotion chez ses abonnés, d’autant que sa mère avait publié un mot de fierté : « Mon chéri, il y a longtemps que je suis rassurée quant à ton avenir… Aujourd’hui, c’est ta plus belle récompense, quelle belle réussite, je suis fière de toi mon fils, je t’aime fort. »
Pour l’intéressé, la reconnaissance de ces « handicaps invisibles » explique des difficultés scolaires et sociales, tout en éclairant ses forces : des processus mentaux parfois plus rapides pour certaines tâches, et des obstacles pour d’autres.
Entre autodérision et satire
La découverte de son HPI n’a pas seulement suscité des réactions de soutien. Elle a inspiré l’humour de ses pairs. Malik Bentalha, complice de longue date, a réalisé une série de vidéos parodiques publiées sur YouTube, publiées avant les César, qui brocardent le milieu du cinéma et jouent sur les multiples casquettes de Gastambide : acteur, scénariste, réalisateur, producteur… et HPI revendiqué.
La parodie joue sur le décalage entre l’image publique et l’intimité du diagnostic. Selon l’article d’origine, les deux hommes ne sont cependant « plus amis depuis un moment déjà », un élément qui ajoute une nuance à ces pastiches.
Franck Gastambide demeure une figure singulière du cinéma français. Son parcours illustre comment un diagnostic posé à l’âge adulte peut à la fois expliquer des blessures anciennes et reconfigurer une trajectoire professionnelle. Il reste, pour le public, l’auteur d’œuvres populaires et d’un récit intime où se mêlent vulnérabilité et réussite.


