Novo 19 rediffuse ce 30 octobre 2025 Tamara Vol. 2, la comédie romantique d’Alexandre Castagnetti sortie en 2018. Le film, avec Héloïse Martin, Rayane Bensetti, Sylvie Testud et Annie Cordy dans l’un de ses derniers rôles, a séduit un large public par son ton feel-good centré sur l’amitié et les rêves de jeunesse. Pour Annie Cordy, décédée le 4 septembre 2020 à 92 ans d’un malaise cardiaque à Vallauris, cette projection ravive la mémoire d’une carrière longue et populaire, mais aussi les débats qui ont entouré certains de ses succès musicaux et leur réception contemporaine.
Une carrière multi-facette et des tubes populaires
Née Léonie Cooreman en 1928 à Laeken (Belgique), Annie Cordy s’impose très vite comme une figure du spectacle franco-belge. Chanteuse, actrice et meneuse de revue, elle illumine les scènes parisiennes dès les années 1950, du Lido à l’Olympia, où son énergie lui vaut des triomphes répétés.
Au cinéma, elle apparaît dans plus de 50 films, dont La Vengeance d’une blonde et Les Herbes folles d’Alain Resnais. À la télévision, le public la retrouve dans des séries comme Madame S.O.S. ou Scènes de ménages. Mais c’est par la chanson qu’elle touche le plus largement le grand public. Son répertoire populaire comprend des tubes tels que Tata Yoyo (1961), La Bonne du curé (1963) et Chaud Cacao (1963).
Le caractère joyeux et entraînant de ces chansons a marqué des générations, mais certaines paroles ont suscité des controverses, en particulier celles de Chaud Cacao, qui ont été perçues par certains comme stéréotypantes vis‑à‑vis de l’Afrique.
Le débat autour de Chaud Cacao et le tunnel Annie Cordy
En 2021, la proposition de renommer le tunnel Léopold II à Bruxelles « tunnel Annie Cordy » — issue d’un vote populaire ayant recueilli 22 % des voix en février 2021 — a ravivé ces discussions. Le choix s’inscrivait dans une dynamique de féminisation des noms de voies (seulement 6,1 % portent un nom de femme), mais il a aussi été jugé « périlleux » par certains à cause de l’héritage controversé de certaines chansons.
Sur RTL‑TVI, l’architecte féministe Apolline Vranken a salué la féminisation des voies tout en exprimant une réserve : « On est persuadé qu’il y a beaucoup de figures du matrimoine bruxellois et de féministes qui n’ont pas eu des actions ou des propos problématiques. Donc, effectivement, on remet un peu en question ce choix-là, mais on se réjouit du fait que le débat, aujourd’hui, ne tourne pas spécifiquement sur la question de renommer par des noms de femmes, mais plus spécifiquement sur les questions de racisme ou encore des questions communautaires ».
Mireille‑Tsheusi Robert, présidente de BAMKO (association anti‑racisme anti‑noir depuis 1987), a souligné un changement de paradigme : « Il y a là un changement de paradigme et un changement politique », ajoutant que, si l’on ne peut « pas effacer » la chanson du patrimoine belge ni Annie Cordy, « ce qui est le plus important, c’est d’en être conscient ». Elle a précisé que « l’esprit de la chanson » posait problème en contribuant, selon elle, à une caricature d’un continent.
[h2]Clarification sur un détail incertain[/h2]
Le texte source mentionne que Chaud Cacao aurait été « écrit Cho Ka Ka O par plaire aux enfants » — formulation peu claire et difficile à interpréter sans précision supplémentaire. Il est avéré que Chaud Cacao date de 1963 et qu’elle a suscité des débats sur la représentation de l’Afrique, mais la phrase citée semble relever d’une erreur de transcription ou d’un raccourci qui mérite prudence.
Défense des auteurs et réactions familiales
L’auteur de la chanson, cité sous le nom de Jacques Loussier (sous le pseudonyme Vivien Vallay), a pris la parole pour défendre son œuvre. Soutenu par Arthur et Virginie Hocq, il a déclaré : « La vocation de cette chanson ne l’est pas [raciste] et ne le sera jamais de chez jamais ! Ce que je sais, c’est que quand je fais quelque chose, c’est toujours au premier degré […] J’ai su par le passé que ma chanson avait été accusée de racisme, même de pédophilie. C’est incroyable ! »
Michèle Lebon, nièce d’Annie Cordy, s’est également montrée indignée : « Je connais la chanson par cœur et je cherche encore ce qu’il peut y avoir de raciste là‑dedans », a‑t‑elle affirmé, témoignant d’une lecture familiale défensive face aux critiques.
Détournements, provocations et condamnations
La chanson a aussi servi de matériau pour des détournements très controversés. L’humoriste Dieudonné M’bala M’bala a proposé en 2013 une parodie intitulée Shoananas, transformant les paroles pour faire référence à la Shoah. Il avait chanté, selon le texte source, « Shoananas, dans les chambres à gaz », et ce détournement a été interprété par beaucoup comme une provocation antisémite.
La parodie a été interprétée sur scène, notamment le 2 janvier 2014 à la Main d’Or à Paris. Les comptes rendus médiatiques ont décrit une atmosphère de provocation où « les quenelles fusent », et ont rapporté des invectives de Dieudonné visant diverses personnalités. Pour ce détournement, Dieudonné a été condamné en 2015 par les tribunaux français. Le bilan financier de la condamnation s’élève à 28 000 euros d’amende pour diffamation, injure, incitation à la haine raciale et discrimination raciale.
La rediffusion de Tamara Vol. 2 sur Novo 19 ramène ainsi à l’écran non seulement une comédie populaire, mais aussi la complexité d’un héritage culturel fait de succès immédiats, de débats sur les représentations et d’usages politiques ou provocateurs. Annie Cordy reste une figure majeure du spectacle franco‑belge ; son œuvre continue de susciter l’admiration comme la réflexion critique.
