Le dossier Grégory avance à petits pas, malgré les décennies. Ce vendredi 24 octobre, Jacqueline Jacob a de nouveau été mise en examen, visée par une qualification nouvelle et contestée. L’octogénaire nie l’ensemble des accusations qui pèsent sur elle depuis plusieurs années, mais les juges estiment désormais qu’elle pourrait être l’un des « corbeaux » ayant envoyé des lettres manuscrites anonymes aux parents du garçon.
Nouvelle mise en examen et soupçons autour des « corbeaux »
Les magistrats ont retenu contre Jacqueline Jacob la qualification d « association de malfaiteurs criminelle ». Elle est suspectée d’avoir rédigé et envoyé au moins une des nombreuses lettres menaçantes adressées aux parents de Grégory et, selon l’enquête, d’avoir peut‑être passé un appel anonyme revendiquant le crime le jour même.
Les investigations récentes reposent notamment sur des expertises graphologiques et de stylométrie. Ces analyses ont conduit les enquêteurs à établir l’existence d’au moins cinq corbeaux distincts ayant, à différentes reprises, expédié des lettres ou passé des appels anonymes. Les messages, parfois revendicatifs, parfois menaçants, ont jalonné l’affaire pendant des décennies et nourri de nombreux faux‑départs judiciaires.
Selon l’accusation, les faits reprochés à Jacqueline Jacob s’inscrivent dans une période allant de 1982 à 1984. L’octogénaire a déjà été mise en examen en 2017 pour « enlèvement et séquestration suivie de mort », mise en examen qui avait ensuite été annulée un an plus tard pour un vice de forme. À la sortie du tribunal ce vendredi, ses avocats ont d’ores et déjà annoncé qu’ils contesteront la nouvelle mise en examen.
Un des conseils a déclaré : « Je suis très inquiet que la justice rouvre ce dossier sans avoir de preuves matérielles incontestables. » Un autre avocat a insisté sur l’absence de contrôle judiciaire, estimant que cette absence prouverait que la mise en examen « ne pèse pas bien lourd et ne vaut pas triplette ». Ces propos traduisent la volonté de la défense de contester non seulement les éléments techniques produits, mais aussi la qualification et la procédure retenues.
Un dossier ancien, des qualifications qui interrogent
L’affaire Grégory reste, après 41 ans, un mystère judiciaire. Le garçon avait été retrouvé noyé dans la Vologne le 16 octobre 1984, pieds et poings liés. Depuis, enquêteurs et magistrats tentent de reconstituer les responsabilités et les mobiles. Parmi les pistes retenues, les tensions familiales autour de la réussite de Jean‑Marie Villemin ont souvent été évoquées. La jalousie et les convoitises seraient, pour certains enquêteurs, le mobile ayant poussé à commettre l’irréparable.
La qualification retenue lors de cette mise en examen soulève une difficulté procédurale importante : le délit d « association de malfaiteurs criminelle » tel qu’appliqué aujourd’hui n’existait pas sous cette forme au moment des faits. Cette anachronie juridique alimente des débats sur la légitimité des qualifications rétrospectives et sur la manière dont elles peuvent peser sur la défense.
Les nouvelles expertises ont renforcé la conviction de certains juges quant à l’attribution de certains écrits à Jacqueline Jacob. Mais l’intéressée conteste formellement ces accusations et continue de nier toute implication. Les éléments techniques — analyses d’écriture et de style — sont au cœur du dossier, et leur interprétation devra être appréciée par les juges en charge de l’instruction.
La mise en examen de ce vendredi s’inscrit dans une série d’étapes procédurales qui montrent que, malgré le temps, l’instruction cherche encore des réponses. Les enquêteurs estiment avoir identifié plusieurs auteurs de lettres anonymes et plusieurs appels anonymes. Toutefois, l’affectation d’un rôle précis à chacun des suspects demeure délicate et sujette à contestation.
Au‑delà des aspects purement techniques et juridiques, l’affaire conserve une forte dimension humaine et médiatique. La famille Villemin, et en particulier le portrait public de Jean‑Marie Villemin, figure centrale dans le récit médiatique depuis les années 1980, continue d’être évoquée dans les explications du mobile. Mais aucune condamnation définitive n’a été prononcée au terme de ce long feuilleton judiciaire.
Les prochaines étapes judiciaires dépendront des contestations de la défense et des suites de l’instruction. Pour l’heure, la mise en examen marque une nouvelle page dans un dossier qui cristallise toujours l’attention et les questions, sans toutefois offrir de réponse définitive sur la responsabilité des auteurs et la genèse du crime.


