Le 22 octobre 1987, la France perdait Lino Ventura, l’un des visages les plus reconnaissables du cinéma hexagonal. L’acteur s’éteignait à 68 ans, laissant une filmographie dense et une réputation de « dur au grand cœur ». Sa carrière, marquée par des succès populaires et des rôles exigeants, a durablement influencé plusieurs générations d’acteurs.
Une carrière marquée par des rôles cultes
Touchez pas au grisbi (1954), aux côtés de Jean Gabin, reste le film qui a révélé Lino Ventura au grand public. Sa présence à l’écran, façonnée par un passé de lutteur et de catcheur, lui donna ce physique et ce regard de « force tranquille » qui devinrent sa marque de fabrique.
Il fut aussi l’un des visages des Tontons flingueurs, dont les dialogues cultes de Michel Audiard ont contribué à immortaliser le film et son personnage. Sa performance dans La Bonne Année (1973) fut saluée par la critique, et son interprétation de Jean Valjean dans Les Misérables (1982) lui valut une nomination aux César.
Sur le plan humain, Lino Ventura fut réputé pour son exigence artistique et ses amitiés durables avec des figures du cinéma et de la chanson française, parmi lesquelles Alain Delon, Jean-Paul Belmondo et Charles Aznavour.
Une vie privée tournée vers la famille et l’engagement
Lino Ventura épousa son amour de jeunesse, Odette Le Comte, en 1942. Ils s’étaient rencontrés en 1935 et restèrent un couple uni jusqu’à la fin. De cette union sont nés quatre enfants : Mylène (1946), Laurent (1950), Linda (1958) et Clélia (1961).
La naissance de Linda bouleversa la vie du couple. Dès son plus jeune âge, les médecins constatèrent un handicap mental attribué à un accident vasculaire survenu à la naissance. Face à l’absence de structures adaptées à l’époque, Lino et Odette, démunis mais déterminés, décidèrent d’agir.
En 1966, ils créèrent l’association Perce‑Neige, devenue depuis une fondation destinée à venir en aide aux personnes atteintes de handicap mental — trisomie 21, polyhandicap, handicap psychique, autisme. Un décret a reconnu la fondation d’utilité publique le 13 mai 2016, validant ainsi son rôle social et institutionnel.
Toute sa vie, Linda fut un moteur de l’engagement de son père. Lino évoquait sa fille comme une enfant « pas comme les autres ». Linda Ventura est décédée en janvier 2025, victime d’un arrêt cardiaque ; elle avait 66 ans.
Le clan Ventura connut d’autres drames : Mylène disparut en 1998 dans un accident d’avion, un deuil que Lino n’eut pas à vivre puisqu’il était déjà décédé en 1987. Odette, l’épouse de Lino, est morte en 2013, et Laurent, l’un des fils, est décédé en 2022.
Succession et tensions familiales
Après la disparition d’Odette, la question de l’héritage raviva des tensions familiales. En 2014, une bataille judiciaire éclata autour d’un compte bancaire suisse et de plusieurs biens immobiliers estimés à plusieurs millions d’euros.
Laurent Ventura avait engagé une procédure pour rapatrier en France l’argent déposé sur ce compte par son père. Sa sœur Clélia se rangea alors à ses côtés, selon les informations rapportées par la presse.
Les petits‑enfants de Lino, Christophe et Laurent Lasserre — enfants de Mylène et de Claude Lasserre — contestèrent cette démarche. Ils ont dénoncé des retraits importants effectués ces dernières années depuis la Suisse, parlant d’une gestion « à sens unique » au profit de certains héritiers.
Parmi les éléments litigieux figuraient des bijoux de famille estimés à environ 200 000 euros, ainsi que plusieurs biens immobiliers. La succession comprenait notamment une résidence située à Saint‑Germain, du mobilier, des locaux commerciaux à Boulogne‑Billancourt et un hôtel particulier dont la valeur a été évaluée à plusieurs millions d’euros.
Faute d’accord entre les parties, l’ensemble des biens concernés a finalement été mis aux enchères. La querelle successorale, relayée par la presse spécialisée, a révélé combien la gestion du patrimoine d’une star peut raviver des conflits longtemps tus.
Un héritage entre cinéma et action sociale
Au‑delà des tensions familiales, l’héritage de Lino Ventura se lit aussi dans deux dimensions complémentaires : une carrière cinématographique marquante et un engagement social durable. Perce‑Neige, née de l’expérience intime du couple Ventura, demeure le symbole de cette double empreinte.
Aujourd’hui, à la mémoire de l’acteur, restent des films devenus classiques, des citations populaires et une fondation qui poursuit la mission initiée en 1966. Les années passent, mais le nom de Lino Ventura continue de résonner, tant sur grand écran que dans l’action en faveur des personnes en situation de handicap.
