Jean-Jacques Goldman fête ce 11 octobre 2025 ses 74 ans. Figure majeure et discrète de la chanson française, l’auteur-compositeur-interprète est depuis longtemps retiré de la scène : il a officiellement pris sa retraite en 2004 et fait très peu d’apparitions publiques depuis. Désigné à de nombreuses reprises personnalité préférée des Français, il a néanmoins continué d’exercer une influence considérable sur la carrière d’autres artistes, notamment Céline Dion, dont il a façonné une part du succès en France. Il a vécu à Londres puis à Marseille et passe parfois ses vacances en Bretagne ; depuis sa mise à l’écart des projecteurs, les nouvelles le concernant se résument souvent à des retours en arrière sur des moments marquants de sa carrière.
Le destin tragique de Sirima et la genèse de « Là-bas »
En 1987, Jean-Jacques Goldman découvre Sirima, une jeune chanteuse franco-srilankaise qui se produisait dans le métro parisien. Il raconte avoir eu « une révélation » en entendant sa « voix diaphane » et l’avoir choisie pour former un duo sur la chanson « Là-bas ». Interrogé sur sa recherche de la voix idéale, il confiait : « La chanson était finie. Je cherchais la femme qui allait me répondre dans cette chanson. J’ai demandé à tous mes amis, autour de moi, dans les maisons de disques, de me faire écouter des voix de chanteuses. J’ai écouté des centaines de disques, des centaines de cassettes. » Il remettait ensuite en contexte leur première rencontre : « Un jour, je l’ai rencontrée près du Châtelet parce que c’était là qu’elle officiait dans le métro. On est allés dans un bistrot, et je me suis rendu compte tout de suite que non seulement c’était la voix, mais que c’était aussi le personnage. »
La collaboration fonctionne et « Là-bas » devient un succès commercial. Mais la trajectoire de Sirima bascule tragiquement : le 7 décembre 1989, elle est tuée à son domicile par son compagnon, Kahatra Sasorith, selon les éléments rapportés à l’époque. Cet assassinat, qualifié dans l’article d’un féminicide, a bouleversé l’entourage de la chanteuse et marqué profondément Jean-Jacques Goldman. Pour lui, la violence de cet événement a ravivé une douleur ancienne, liée à la disparition d’un proche.
Un deuil ancien : la mort de son frère Pierre et « Puisque tu pars »
La mort de Sirima a fait écho à une autre tragédie dans la vie de Goldman : l’assassinat de son frère Pierre, en 1979 à Paris. Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, a fait l’objet d’une affaire médiatique complexe et fait même l’objet d’un film, « Le procès Goldman », sorti en 2024, qui revisite cette histoire familiale et judiciaire.
Jean-Jacques Goldman a évoqué la douleur de cette perte dans ses compositions. En 1989, il publie la chanson « Puisque tu pars », extraite du double album Entre gris clair et gris foncé. Si à la première écoute les mots peuvent sembler parler d’une rupture amoureuse, les paroles portent une charge intime plus profonde : « Parce qu’il est des douleurs/qui ne pleurent qu’à l’intérieur », chante-t-il, ajoutant : « Puisque ta maison, aujourd’hui c’est l’horizon/Dans ton exil, essaie d’apprendre à revenir/Mais pas trop tard. »
Certains fans et observateurs y lisent un écho au deuil de son frère, même si Jean-Jacques Goldman a nié s’être inspiré d’une disparition personnelle pour écrire cette chanson. Le texte reste, en tout cas, l’une des pièces parmi les plus reprises de son répertoire.
Céline Dion, « D’eux » et le geste envers la mémoire de Sirima
La relation artistique entre Jean-Jacques Goldman et Céline Dion a marqué les années 1990. Il a été l’artisan de l’album D’Eux, sorti en 1995, qui demeure le disque francophone le plus vendu dans le monde. Un an avant ce succès, en 1994, lors d’un concert des Restos du Cœur, Goldman demande à Céline Dion de l’accompagner sur « Là-bas », chanson qu’il n’interprétait plus en duo depuis la mort de Sirima. Le commentateur Nelson Monfort rappela, dans un documentaire diffusé sur CStar en mai 2022, qu’après la disparition de Sirima, « la chanson Là-bas, Jean-Jacques Goldman la chantait sur scène. Quand Sirima est tragiquement décédée, lui chantait seul et il n’y avait pas de dialogues, si je puis dire, avec elle. » Selon lui, le fait que la voix de Sirima ne soit plus entendue sur scène « renforçait son souvenir et sa mémoire ».
Cinq ans après la mort de Sirima, Céline Dion accepte de remplacer la chanteuse pour une interprétation publique. Anne Marcassus, productrice, a raconté en septembre 2025 sur M6 (« Céline Dion raconte ‘D’eux’ ») comment Goldman l’avait convaincue de participer aux Enfoirés : « Jean-Jacques dit c’est la plus grande voix du monde, elle est incroyable. » Elle ajoutait qu’à la répétition la chanteuse était « hyper à l’aise, hyper extravertie », et que la rencontre avait été « magique ».
Céline Dion, elle-même, confia qu’elle avait ressenti une « très grande responsabilité » en interprétant ce morceau lié à une histoire douloureuse. « C’était très émouvant pour moi, et c’était aussi une très grande responsabilité… Représenter quelqu’un avec un passé assez difficile, et le début d’une nouvelle vie pour cette fille et cette grande artiste qui n’est plus. Je n’oublierai jamais et je me suis toujours dit j’espère que j’étais à la hauteur et qu’il était content, » expliquait-elle.
Aujourd’hui, alors que Jean-Jacques Goldman célèbre ses 74 ans dans la discrétion qu’on lui connaît, ces épisodes — succès, rencontres artistiques et tragédies personnelles — restent au cœur du récit public qui entoure sa carrière.


