C’était il y a neuf ans. Le 8 octobre 2016, Pierre Tchernia, surnommé « Magic Tchernia » par Arthur dans Les enfants de la télé, est décédé à 88 ans. Avec lui s’est éteint un pan important de la mémoire audiovisuelle française : journaliste, animateur, réalisateur et amoureux du cinéma, il aura traversé plus de soixante ans d’histoire télévisuelle et marqué plusieurs générations de téléspectateurs.
Un pionnier de la télévision française
Formé aux débuts du petit écran, Pierre Tchernia participe en 1949 à la création du tout premier journal télévisé quotidien, aux studios de la Radiodiffusion-télévision française, rue Cognacq-Jay à Paris. À une époque où la télévision en était aux premiers balbutiements, son nom devient rapidement associé à l’innovation et à la modernité.
Parmi ses créations, on retient l’émission humoristique La Boîte à sel (1955-1960) et les variétés de La Clé des champs (1958-1959). Il devient ensuite «Monsieur Cinéma» dans l’émission éponyme, de 1967 à 1972, un rendez-vous qui, selon Pierre Lescure au moment du décès de Tchernia, « nous a appris la passion du cinéma, l’humour bienfaisant, la connaissance pas pédante, le respect souriant et l’amitié ». Ces mots, largement diffusés sur la Toile, résument l’empreinte culturelle laissée par l’homme.
L’ami des enfants et du cinéma familial
Tchernia a aussi su conquérir le jeune public. Il anime L’Ami public numéro un (1961-1978), programme composé d’extraits des productions Disney, puis SVP Disney (1964-1987), émission interactive où les téléspectateurs pouvaient choisir un extrait en appelant le numéro SVP 1515. Ces formats ont contribué à construire un lien direct entre les familles françaises et l’univers du cinéma d’animation.
Proche de René Goscinny et d’Albert Uderzo, il apparaît dans leurs bandes dessinées et prête sa voix ou son concours à de nombreuses adaptations. Il a été «compteur» de plusieurs aventures d’Astérix et de Lucky Luke, sur petit et grand écran, participant ainsi à la transmission populaire de ces héros de la bande dessinée.
Une vie familiale très présente
Pierre Tchernia a mené une vie de famille solide. Marié en 1949 à Françoise Pépin (1927-1997), il a eu quatre enfants : Nicole (1952), Isabelle (1955), Jean-François (1956) et Antoine (1961). La Bretagne lui était chère : il possédait une chaumière à Névez, dans le Finistère, où il a été inhumé et où repose également son épouse.
Au moment de sa disparition, son fils Antoine expliquait les dernières heures : « L’état de santé de papa s’est dégradé il y a 8 jours, il est mort à 3 heures du matin dans nos bras ». Son agent, Artmédia, ajoutait : « Il est parti dans la sérénité, entouré de sa famille ». Ces témoignages insistent sur l’entourage proche qui l’a accompagné jusqu’au bout.
Retraite médiatique et derniers combats
Après une carrière foisonnante, Pierre Tchernia s’éloigne progressivement des caméras. Hormis une petite apparition en 2008 dans Astérix aux Jeux Olympiques, il est essentiellement absent des écrans depuis juin 2006. Les dernières années le voient installé dans une maison de repos en région parisienne.
En 2014, confronté à des articles laissant entendre qu’il aurait été abandonné, il publie un démenti : « Contrairement à ce qui est parfois rapporté, je ne suis en aucun cas abandonné, mais, au contraire, très entouré par ma famille et mes proches ». Il précisait vouloir « le calme et le respect de [son] intimité » et expliquait ainsi sa distance vis-à-vis des médias.
Répondant à la presse qui évoquait « des jours avec et des jours sans », il reconnaît ses limites physiques : « Mes problèmes de hanche ne s’arrangent pas avec mes vieux jours. Ce qui m’oblige à utiliser une chaise d’infirme pour mes déplacements. Oui, il faut bien le dire : je suis infirme. » Dans une interview accordée à Sud info en 2016, il confirmait le soutien quotidien de ses enfants et gardait un ton résolument optimiste : « Je vais bien ! Sauf que je n’ai plus la mobilité ». Il avait alors fêté ses 88 ans « en famille. Avec mes 4 enfants, mes petits-enfants et arrière-petits-enfants », confiait-il.
Ces dernières années de retrait n’ont rien enlevé à la place qu’il occupe dans la mémoire collective. Passeur de cinéma, compagnon des dimanches familiaux et figure complice des bandes dessinées populaires, Pierre Tchernia laisse le souvenir d’un homme qui a contribué à façonner la culture télévisuelle française sur plusieurs générations.


