À 66 ans, Didier Bourdon reste l’un des visages les plus familiers du cinéma et de l’humour français. En pleine promotion de son dernier film, C’était mieux demain, aux côtés d’Elsa Zylberstein, l’acteur et réalisateur a raconté sans détour un épisode marquant de sa carrière : le tournage du film Les Trois Frères, sorti en 1995. Un succès colossal en salles, mais des souvenirs teintés d’ambivalence pour l’un des membres du trio comique.
Un triomphe public, des coulisses plus nuancées
Les Trois Frères est entré dans la légende de la comédie hexagonale. Premier long-métrage des Inconnus — le trio composé de Didier Bourdon, Bernard Campan et Pascal Légitimus — le film a cumulé plus de 7 millions d’entrées et reçu le César du meilleur premier film. Pour toute une génération, il demeure une référence du cinéma populaire.
Pour autant, la mémoire que conserve Didier Bourdon de ce tournage n’est pas uniquement celle de la liesse. Invité de l’émission Culture Médias sur Europe 1, ce lundi 6 octobre 2025, il a livré un témoignage empreint de franchise sur les tensions intimes qui ont accompagné cette réussite.
« Je regardais les images, le soir, et je me disais : C’est de la merde !. Puis j’écoutais un peu Sting, et je disais la même chose : C’est de la merde ! », a-t-il confié avec ironie, révélant une sincérité troublante concernant son rapport à son travail à l’époque.
La fragilité derrière la comédie
Didier Bourdon explique que, pendant le tournage, il traversait des épisodes cyclothymi ques. Cette pathologie, qui provoque des variations d’humeur entre euphorie et doutes profonds, a rendu l’expérience plus compliquée qu’on ne l’imagine.
« Là, je savais que je n’étais pas objectif, que c’est mon humeur qui avait vrillé », a-t-il déclaré en revenant sur cette période. Il a rappelé la pression liée au premier film et le regard critique qu’il portait sur lui-même : rien ne lui semblait assez bien, malgré l’investissement et la bonne humeur qui régnaient sur le plateau.
Ces confidences nuancent l’image souvent glamour du succès. Elles montrent surtout que, derrière l’humour et les rires, la création peut se vivre comme une épreuve personnelle. Bourdon insiste sur la sincérité du travail accompli : « Rien ne me semblait assez bien. Et pourtant, on riait, on travaillait avec cœur. »
Un regard rétrospectif sur une carrière
Au micro de Thomas Isle, l’acteur-réalisateur a aussi évoqué son parcours derrière la caméra, qui compte aujourd’hui huit films. S’il ne se dit pas forcément « fier » au sens traditionnel, il refuse de réduire son œuvre à un seul succès.
« Fier pas forcément… Il y a aussi 7 ans de mariage avec Catherine Frot que j’aime beaucoup, Les Rois Mages, qui est un film profond, Le Pari… On en a fait des biens, avec le cœur », a-t-il affirmé, listant quelques jalons de sa carrière avec pudeur et affection.
Le caractère inaugural des Trois Frères explique en partie l’intensité du souvenir. Premier long métrage du trio, il représentait une étape cruciale, chargée d’émotions et d’enjeux. « Pour l’enfant que je suis toujours, et qui est un homme maintenant, ça a été des moments incroyables de cinéma sur le plateau », a-t-il ajouté, soulignant la dimension à la fois intime et professionnelle de cette expérience.
Entre la reconnaissance publique et les tourments intérieurs, le témoignage de Didier Bourdon éclaire autrement un film culte. Il rappelle que la réussite artistique peut coexister avec la fragilité personnelle, et que les souvenirs d’un succès ne sont pas forcément uniformes.
Aujourd’hui encore, l’acteur continue d’explorer des projets et de partager sa passion pour le cinéma. Sa récente promotion de C’était mieux demain, en duo avec Elsa Zylberstein, montre qu’il reste un acteur engagé, attentif à son travail et à ses émotions, trente ans après le triomphe paradoxal des Trois Frères.


