Cesária Évora, la « diva aux pieds nus », s’est éteinte en décembre 2011 à l’âge de 70 ans, après une carrière internationale marquée par des succès planétaires mais aussi par des années de santé fragile et d’excès. Le 21 septembre 2011, elle annonçait sa retraite ; quelques mois plus tard, le 17 décembre 2011, elle mourait à l’hôpital Baptista de Sousa, à São Vicente, des suites d’une insuffisance respiratoire.
Des racines modestes et un parcours musical hors normes
Née dans une famille de musiciens, Cesária Évora découvrit le chant très tôt grâce à son père, guitariste et violoniste. À la mort de celui-ci, alors qu’elle avait sept ans, elle fut placée en orphelinat. C’est là, jusqu’à l’âge de 13 ans, qu’elle intégra la chorale et développa sa voix.
Sa carrière prit forme au contact de musiciens portugais et cap-verdiens. Déjà en 1970, à 29 ans, son nom était connu à travers tout le Cap-Vert. L’histoire politique du pays modifiera pourtant le cours de sa vie artistique : en 1975, alors que le Cap-Vert accède à l’indépendance et que le Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert prend le pouvoir, la fermeture des bars et cafés l’oblige à interrompre ses prestations publiques.
Il lui faudra attendre une décennie avant de réapparaître. En 1985, à l’occasion du dixième anniversaire de l’indépendance, poussée par son amie Isaura Gomes, elle accepte d’enregistrer un album à Lisbonne avec d’autres artistes capverdiens. Ce retour amorce la seconde partie de sa carrière.
La consécration internationale et les tubes
Ses premiers disques solos marquent une progression inégale : La Diva aux pieds nus en 1988, Distino di Belita en 1990 (qui passa inaperçu), puis Mar Azul en 1991, qui lance véritablement sa carrière internationale. Le tournant arrive avec Miss Perfumado, sorti en 1992, et la chanson « Sodade », devenue un classique.
« Sodade » rend hommage aux travailleurs capverdiens envoyés dans les plantations de cacao de São Tomé-et-Príncipe pendant l’époque coloniale portugaise. Ce titre connaît un succès international et ouvre de nombreuses collaborations, notamment avec Caetano Veloso au Brésil, Emir Kusturica en Bosnie et Linda Ronstadt aux États-Unis. Son album Café Atlantico, paru en 1999, restera son plus grand succès commercial, avec 770 000 exemplaires vendus.
Une santé fragilisée par les excès
Malgré la reconnaissance mondiale, Cesária Évora souffrait d’une santé délicate. Ses proches et ses interviews évoquent une longue consommation de tabac, des abus d’alcool et, singulièrement, une addiction aux chips, qu’elle appelait « batatinhas ». Dans une interview accordée au journal Le Monde en 2011, elle expliquait : « Je vais arrêter, un jour, mais pas que ça. En fait, j’arrête tout. Je n’ai pas de force, pas d’énergie. Je veux que vous disiez à mes fans : excusez‑moi, mais maintenant, je dois me reposer. »
Elle évoquait aussi, parfois sur le ton de l’humour, les recommandations médicales : « Ils disent que c’est à cause des chips. J’ai arrêté, mais je devrais en manger à nouveau pour voir si c’est vraiment ça qui m’a affaiblie. » Elle racontait une anecdote révélatrice de cette compulsion : « Un jour, cet été, une enfant est venue chez moi, elle avait un petit paquet de chips à la main… Quand elle est partie, j’ai demandé à Piroque d’aller m’en acheter. Le jour suivant, pareil, et ainsi de suite. »
Les chirurgies n’épargnèrent pas la chanteuse. Elle raconta avoir frôlé la mort en Australie, avoir connu un effondrement cardiaque à Lisbonne et avoir été opérée à cœur ouvert à Paris, en mai 2010. Elle assurait alors que son médecin jugeait son cœur « bien » et que ses cordes vocales étaient en bon état.
Retraite et disparition
Le 21 septembre 2011, son agent annonça que Cesária Évora décidait, d’un commun accord avec son producteur et manager José da Silva, de mettre un terme définitif à sa carrière, renonçant à la vie itinérante qui l’avait menée aux quatre coins du monde depuis ses débuts sur la scène internationale en 1991. Elle annula les concerts à venir pour raisons de santé.
Quelques mois plus tard, le 17 décembre 2011, la chanteuse décédait à l’hôpital Baptista de Sousa, à São Vicente, des suites d’une insuffisance respiratoire. Elle laissait derrière elle une œuvre devenue symbole de la morna et une image indélébile : celle d’une artiste souvent pieds nus, au registre intime et mélancolique, capable de porter la musique du Cap-Vert sur les scènes du monde entier.


