Pendant des mois, Caroline Darian est restée aux côtés de sa mère, Gisèle Pelicot, durant le procès qui a mis au jour des faits d’une sauvagerie inouïe : son père, Dominique Pelicot, aurait drogué son épouse et permis à des dizaines d’hommes de la violer sur une décennie. Malgré cette proximité, la relation mère-fille semble aujourd’hui irrémédiablement brisée. À 46 ans, installée à Paris, Caroline confie qu’elle n’adresse plus la parole à sa mère.
Un soutien au procès, une rupture après les révélations
Caroline a accompagné sa mère pendant toute la durée du procès. Elle a assisté aux audiences, soutenu Gisèle dans l’épreuve et dénoncé publiquement l’horreur des faits. Pourtant, la proximité affichée pendant les débats n’a pas suffi à préserver leur lien. Selon ses déclarations, la fracture est survenue lorsque Gisèle n’a pas cru aux allégations de sa fille selon lesquelles elle aussi aurait été droguée puis violée par son père.
« Pour elle, Gisèle Pelicot ‘n’est pas une icône’ », rapporte Caroline, qui déplore que sa mère refuse de reconnaître sa souffrance. Elle a résumé son sentiment de trahison par une phrase sèche : « Je ne pourrai jamais lui pardonner, jamais », a-t-elle confié au Telegraph.
Rappel des faits et des condamnations
L’affaire Pelicot a éclaté en 2020 après la saisie du téléphone et de l’ordinateur de Dominique Pelicot. Les enquêteurs y ont découvert plus de 20 000 photos et vidéos qui ont permis de mesurer l’ampleur des violences. Parmi ces documents figuraient des images compromettantes de Caroline, prises à son insu.
En 2024, Dominique Pelicot, 71 ans, a été reconnu coupable de viol aggravé et d’autres chefs d’accusation. Il a admis devant le tribunal avoir administré des somnifères à son épouse, Gisèle, entre 2011 et 2020, facilitant ainsi des agressions sexuelles commises par de nombreux hommes.
Condamné à 20 ans de prison, il a été accompagné dans sa chute par une cinquantaine de complices. Ces derniers, âgés de 26 à 74 ans, ont également été reconnus coupables. Au total, ils ont écopé collectivement de plus de 400 années d’emprisonnement, selon les décisions judiciaires.
Conséquences personnelles et médiatiques
Au-delà des condamnations, l’affaire a laissé des séquelles profondes au sein de la famille. Caroline, qui dit avoir soutenu sa mère « sans relâche » pendant le procès, se retrouve désormais en rupture de parole avec elle. Le désaccord porte sur la reconnaissance d’un traumatisme que la fille affirme avoir subi et que la mère nie.
En 2022, Caroline avait raconté son histoire dans un livre bouleversant, Et j’ai cessé de t’appeler Papa. Le récit a contribué à exposer la douleur intime d’une famille confrontée à l’impossible : concilier l’amour filial avec la découverte d’actes monstrueux perpétrés par un proche.
Le retentissement médiatique de l’affaire a transformé Gisèle, malgré elle, en figure publique. Certains ont vu en elle un symbole de courage et une voix féministe. Mais pour sa fille, cette image médiatique ne suffit pas à effacer la fracture personnelle et la douleur non reconnue.
Une blessure qui perdure
La parole publique et les condamnations judiciaires n’ont pas apaisé toutes les blessures. Caroline vit désormais à Paris et tente de reconstruire sa vie loin des projecteurs et de la maison familiale. Elle porte encore le poids des images retrouvées dans les appareils de son père et la douleur d’une relation maternelle qui ne s’est pas réparée.
Dans ses propos rapportés, elle accuse sa mère de ne pas croire qu’elle a été elle aussi victime. C’est précisément cette absence de reconnaissance qui a provoqué l’écroulement du lien familial.
Il est difficile de mesurer à quel point la parole judiciaire et médiatique peut aider à panser des blessures personnelles. Dans ce dossier où la justice a prononcé des peines lourdes, la réparation intime reste incomplète pour celles et ceux qui ont subi les violences. Pour Caroline, la ligne de séparation est nette : une mère soutenue au procès, une femme à qui elle ne parle plus aujourd’hui, et un traumatisme qu’elle estime toujours nié.